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Né à Somain (Nord) le 18 octobre 1960,
d'ascendance polonaise par sa mère, il commence ses études de piano à l'âge de
7 ans à l'Ecole Municipale de Denain avec Mme
DELINS.
Il poursuivra son éducation musicale au
Conservatoire National de Musique de Valenciennes dans la classe de Mme BOZZA en piano. Il y obtient un premier prix de Piano à l'unanimité en 1976
et une médaille d'or en 1977.
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procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause,
est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2
et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
(Extraits de « Quintessence, Sous les doigts d’Alain
Amand »)
« Alain naquit à Somain, dans le Nord, le 18 octobre 1960 à une heure trente du
matin. Sa mère pensait d’abord l’appeler Frédéric mais, trouvant que cela
« accrochait » avec le nom de Amand, elle changea finalement d’avis
et le bébé déjà si longiligne reçut les doux prénoms d’Alain et de Philippe.
Dernier-né d’une famille de quatre enfants -une fille et trois garçons- Alain avait
cinq ans quand un piano d’étude fut installé dans la maison familiale à
l’intention de ses aînés. L’instrument fascina tout de suite le petit garçon
timide, qui tapotait le clavier et
s’appliquait à reproduire de son mieux les morceaux étudiés par les plus
grands, ou les airs entendus à la radio. Et c’est avec beaucoup de sérieux
qu’il interprétait la chanson de
l’année « Poupée de cire, poupée de son » de France Gall. Il était si
passionné qu’il se précipitait avec avidité sur l’objet convoité dès qu’il
rentrait de l’école, et c’était très amusant d’observer ses petits doigts se
contorsionner dans tous les sens pour produire –des deux mains !- un
résultat somme toute très acceptable.
[…]
Son désir d’étudier était très grand, mais on lui refusa pourtant
l’accès à la classe de piano. « Trop jeune … ». Son frère Jean-Marc
et sa sœur Patricia devinrent alors ses premiers professeurs, et Alain assimila
avec une incroyable facilité et en un temps record toute la méthode rose.
Jean-Marc lui avait fait étudier un morceau choisi et le présenta un jour à son
professeur, Madame Delins, en lui
disant avec insistance :
« Ecoutez ce que sait faire mon petit frère ». Alain s’exécuta et
Madame Delins, étonnée par tant de facilité et pressentant déjà le talent
prodigieux du petit garçon, l’invita immédiatement à rejoindre sa classe de
piano. Alain allait avoir sept ans, et il put alors entreprendre enfin une
étude systématique du solfège et de l’instrument, à l’Ecole Municipale de
Musique de Denain. L’enfant figura tout de suite parmi les meilleurs élèves et
décrocha premier prix sur premier prix, aux examens comme à chaque Tournoi du
Royaume de la Musique. Son avidité à apprendre et sa volonté de dépassement
n’avaient d’égal que son désir de perfection et cette exigence envers lui-même
qu’il témoignerait plus tard envers ses propres élèves.
[…]
Le petit garçon blond s’épanouissait. Il excellait à l’école comme dans
ses études musicales, et se passionnait déjà pour le cinéma […] C’était
maintenant un enfant facétieux et rieur, ouvert et curieux de tout, qui
« perturbait la classe par ses espiègleries » selon les annotations
de ses maîtres. Si, plus tard, il témoignera d’une grande réserve vis à vis des
inconnus, il restera cependant très taquin et malicieux avec les personnes de
son entourage familier.
Alain aimait les chiens […] Il adorait la neige aussi, et ne voulait surtout pas qu’on la balayât dans
la cour lorsqu’elle tombait, fasciné par la blancheur immaculée et scintillante
de ce manteau d’hiver. Etrangement attiré par le froid, il se précipitait
alors, dès son retour de l’école, vers le tonneau d’eau de pluie et plongeait
avec délice ses mains dans la glace… En grandissant, il gardera cette habitude,
ce besoin particulier du contact de ses mains avec la glace.
[…]
A douze ans et demi, il obtint le Premier Prix de Piano à
l’unanimité qui lui ouvrit, en octobre 1973, les portes du Conservatoire de
Musique de Valenciennes. Il suivit en parallèle les cours d’orgue de Monsieur
Devernay et reçut en 1975 le Premier Prix Raymond Lartisien, puis, trois ans plus tard, le diplôme de fin
d’études à l’orgue, qui fut pour lui le couronnement de l’étude de cet instrument auquel il restera
toujours très attaché.
Brillant élève dans la classe de Madame Bozza, où il côtoiera son
futur condisciple Philippe Keler, Alain
obtint un Premier Prix de Piano à l’unanimité en 1976, puis le Certificat
d’Etudes Supérieures en 1977 […]
Madame Bozza dira de lui qu’il
avait tout : une technique et une musicalité exceptionnelles, qui lui
permettraient d’aborder tous les registres et tous les répertoires. Alain était
un pianiste complet. Cette technique et cette musicalité seront également
soulignés par son professeur, Monsieur Trouard, au Conservatoire de Paris.
Alain restera toujours reconnaissant et très respectueux de ses
maîtres, tant Monsieur Trouard que Madame Bozza ou Madame Delins, qui fut la
première à le former, et à qui il dira lors de son dernier récital à
Valenciennes, avec sa modestie habituelle : « C’est quand même vous
qui m’avez mis les mains sur un clavier ! ».
Car Alain était pétri d’humilité et possédait cette qualité rare et
essentielle qu'est la mémoire du cœur.
Il n’aimait pas que l’on évoquât sa petite enfance, ses débuts au
piano, ni ses excellents résultats scolaires.
Je tenais cependant à faire cette petite parenthèse sur un passé qui
était hier, eu égard à sa disparition prématurée. L’adolescent excellait dans
toutes les matières, tant en grec qu’en mathématiques, et ses résultats extrêmement brillants lui permirent
d’obtenir le baccalauréat série C (mathématiques) avec la mention très bien. Cela lui ouvrait la porte de toutes les
grandes écoles. Mais Alain appartenait à la musique et voulait lui consacrer
son existence. Il choisit donc de poursuivre sa formation musicale. Son but
devint alors le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris ».
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Simultanément, il s'intéresse au jeu de l'orgue
et suit les cours de Yves DEVERNAY
. Il
obtiendra le 1er prix
Lartisien en 1975 à Arras, et le diplôme de fin d'études à l'orgue en
1978 au Conservatoire de
Valenciennes.
(Extraits de « Quintessence, Sous les doigts d’Alain
Amand »)
« A l’âge de neuf ans, il remplaça sa sœur à l’orgue de la
paroisse de Neuville-sur-Escaut où il habitait, s’acquittant de sa tâche
dominicale avec un plaisir évident. Ce tout jeune organiste attirait les
regards et était régulièrement sollicité pour apporter à toutes les cérémonies
de mariage l’émotion de son jeu et de son toucher déjà incomparables. Le curé
de la paroisse lui fit suivre des stages annuels d’orgue, de solfège et
d’analyse musicale au Grand Séminaire d’Arras, jusqu’à l’obtention du Prix Lartisien
à l’âge de 15 ans. Il était alors le plus jeune candidat, et le Jury fut très
impressionné par son aisance si naturelle. Lorsque l’occasion lui fut donnée de
jouer devant un très grand organiste, celui-ci tomba en admiration devant tant
de talent et l’incita à se consacrer uniquement à cet instrument. Mais Alain,
qui ne possédait sans doute pas tout le mysticisme nécessaire pour persévérer
dans cette voie, préférera délaisser celle-ci quelques années plus tard au seul
profit du piano, son véritable instrument de prédilection.
A douze ans et demi, il obtint le Premier Prix de Piano à
l’unanimité qui lui ouvrit, en octobre 1973, les portes du Conservatoire de
Musique de Valenciennes. Il suivit en parallèle les cours d’orgue de Monsieur
Devernay et reçut en 1975 le Premier Prix Raymond Lartisien, puis, trois ans plus tard, le diplôme de fin
d’études à l’orgue, qui fut pour lui le couronnement de l’étude de cet instrument auquel il restera
toujours très attaché».
(récital d’orgue et de piano du 30
mai 1987 en l’église Saint Folquin
d’ Esquelbecq, organisé par le Comité de Sauvegarde du dernier château
féodal de Flandre Française) :
« ... Si la plupart des auditeurs fut surpris par l’excellente
sonorité du sanctuaire, tout le monde fut aussi unanime à reconnaître la
virtuosité et l’exceptionnelle interprétation de M. Amand . C’est donc un
public conquis qui ovationna longuement l’artiste à la fin du concert »
(Journal des Flandres, 5 juin 1987).
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Bachelier (série C –mathématiques- mention
très bien), il entre en 1979 au Conservatoire
National Supérieur de Musique de Paris, dans la classe de Raymond TROUARD pour le piano et celle
de Mr PARRENIN pour la Musique de
Chambre. Il y obtient les trois certificats de solfège, de déchiffrage et
d’analyse musicale, puis le Premier
Prix de Musique de Chambre en 1982 et le Premier Prix de Piano à l’unanimité en
1984.
(Extraits de « Quintessence, Sous les doigts d’Alain
Amand »)
« Ce fut vers l’âge de quinze ans, et sur les conseils de
Madame Bozza, son professeur de piano au Conservatoire de Valenciennes, qu’Alain commença à prendre des cours
particuliers chez le pianiste et concertiste réputé Raymond Trouard, à raison
d’un cours mensuel d’environ une heure à une heure et demi.
A cette époque, le CNSM se trouvait situé 14, rue de Madrid, dans
le huitième arrondissement. C’est là que Jean-Bernard Hupmann –qui me donna par
la suite de précieuses indications sur les études d’Alain- rencontra celui-ci
pour la première fois en 1979 dans la classe de Raymond Trouard, lorsque tous
les candidats au concours d’entrée furent
réunis pour l’audition publique de la première épreuve d’admissibilité.
Alain fut reçu au premier tour avec les Variations Brahms/Haendel,
tirées du programme classique/romantique.
Au deuxième tour de cette année 79, ce fut avec les Variations
Abegg de Schumann, qui constituaient le programme imposé, qu’il fut admis à
l’unanimité et put ainsi accéder à l’une des vingt-trois places disponibles.
[…]
L’obtention des trois certificats de solfège, d’analyse et de
déchiffrage fut pour Alain une simple formalité dont il s’acquitta très rapidement.
Incroyablement doué en solfège, qui pourtant à ce niveau présente des
difficultés extrêmes, il était également imbattable en déchiffrage dont il
remporta l’examen avec la mention très bien, remplaçant même occasionnellement
son professeur, Jacqueline Robin. Celle-ci lui fera travailler entre autres le
magnifique Thème et Variations de Fauré. Accompagnatrice de nombreux chanteurs
lyriques, elle lui apprit une chose essentielle pour un musicien : l’importance
du chant, et le berça de multiples lieder.
Après l’obtention de ses trois certificats, Alain put commencer
l’étude obligatoire de la musique de chambre en suivant le cours hebdomadaire
de Monsieur Parrenin, et obtint en 1982 le Premier Prix dans cette matière.
En raison des nombreuses disciplines et de l’énorme travail à
fournir la première année, l’étude sérieuse du piano ne pouvait vraiment
commencer, pour les élèves, que la
deuxième ou même la troisième année, lorsque ceux-ci s’étaient acquittés des
trois certificats. Cette étude était toujours soumise à un travail métronomique
très cher au Maître de Paris, et indispensable pour mettre en place la
rythmique. Alain restera toujours très attaché à cette façon de procéder en
progressions métronomiques, tant pour son travail personnel que pour celui de
ses propres élèves.
Le cours donné par le Maître était préalablement préparé par
Jeanine Ouroussof, la répétitrice de la classe, une maîtresse femme, moralement
très imposante. Alain, qui n’en ressentait sans doute pas le besoin, n’allait,
quant à lui, que rarement la voir...
Si, au début, l’élève n’est capable de travailler son piano que
trois à quatre heures par jour, cette durée augmentera progressivement au fur
et à mesure des acquis et des exigences dans le travail, pour atteindre huit à
dix heures par jour, entrecoupées de pauses pour une plus grande efficacité.
Alain y parvenait sans difficulté, et souvent au prix de douloureuses crevasses
aux doigts.
Il y avait toujours, dans la classe de Raymond Trouard, la Sonate
de Dutilleux à travailler ; les élèves
se succédaient à son étude, le Maître la considérant comme une œuvre que chacun
se devait de posséder. […]
Surtout intéressé par la performance pianistique et musicale, Alain
ne fera pas d’étude d’écriture ou de composition.
Après deux tentatives, en 1982 où il obtint le deuxième prix à
l’unanimité, et en 1983 où il eut un rappel de deuxième prix à l’unanimité,
Alain Amand obtint en 1984 le Premier Prix de Piano à l’unanimité.
La Voix du Nord lui consacrera un article, ainsi que l’Union
Valenciennoise des Artistes qui relatera l’événement :
« Le 7 juin 1984, Alain Amand, dans un concours
particulièrement redoutable, a remporté son Premier Prix de Piano à
l’unanimité.
Ce résultat vaut plus qu’un simple communiqué, car le niveau général
du Concours était extrêmement élevé ;
chaque candidat avait à interpréter, bien entendu par cœur, un véritable
récital de 30 à 40 minutes.
Ainsi, Alain Amand a joué successivement : une Sonate de Dutilleux
(moderne), une Fugue de Bach, une Etude de Chopin, une Sonate de Haydn, et la
quatrième étude d’exécution transcendante -Mazeppa- de Liszt. Dans ces œuvres
si diverses de style, il sut offrir des interprétations tour à tour brillantes
et sensibles, sachant toujours mettre en relief la mélodie, avec une musicalité
parfaite qui s’accompagne d’une sonorité chaude et puissante et d’une
virtuosité extraordinaire.
Si nous donnons ces détails, c’est pour faire mieux comprendre ce
que représente un Premier Prix du Conservatoire de Paris, car la simple
technique, aussi poussée soit-elle, y est largement dépassée, et l’on entre
pleinement dans le domaine de l’expression artistique la plus élevée, ce qui
nécessite des dons, une « nature », un travail opiniâtre, une volonté
d’acier, mais aussi une formation préalable parfaite ; celle qu’il reçut de
Madame Bozza au Conservatoire de Valenciennes, puis à Paris de Monsieur Raymond
Trouard ont été déterminantes ».
[…]
Raymond Trouard :
« La classe était une grande famille. On y riait beaucoup, l’ambiance
y était excellente et constituait un véritable stimulant. C’est pourquoi Alain
aimait venir au Conservatoire. Il a été l’un des grands moteurs de la classe et
motivait fortement les autres élèves.
Il était très gentil, tout le monde l’aimait beaucoup ».
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Outre les concours et examens nationaux,
il sera brillamment primé dans
plusieurs concours internationaux : 2ème prix au Concours International
de Piano de JAEN-Espagne en 1983, semi-finaliste au concours BUSONI à
BOLZANO-Italie en 1985, et finaliste au
concours José Iturbi à VALENCIA-Espagne en 1986.
(Extraits de « Quintessence, Sous les doigts d’Alain
Amand »)
« Les éléments fournis par le Maître vinrent également
éclairer un autre aspect du parcours pianistique d’Alain Amand : les concours
internationaux.
Ceux-ci s’avèrent être de terribles épreuves. S’y affrontent les
meilleurs instrumentistes mondiaux, des « bêtes » de travail et de
virtuosité. Leur préparation est harassante et exige de huit à dix heures de
pratique quotidienne de l’instrument. La concurrence y est rude, et les
meilleures places se jouent dans un mouchoir de poche, à quelques dixièmes de
point près […]
Mais surtout, ces concours constituent une véritable galère pour
les postulants français, s’ils ne suivent pas le troisième cycle de
perfectionnement du CNSM. Car ils
doivent alors trouver par leurs propres moyens le temps et l’argent nécessaires
à cette préparation. Toutes les démarches sont à leur charge, ainsi que les frais d’hôtel et de voyage qui
ne seront remboursés que si le candidat accède à la finale.
C’est dans ces conditions extrêmement difficiles qu’Alain Amand se
présenta à un premier concours international à Jaen, en Espagne, en octobre
1983, où il dut rivaliser avec des candidats pour la plupart exclusivement
préparés à cette épreuve depuis des mois –des russes en particulier- et
entièrement pris en charge sur le plan administratif et matériel. Pourtant,
dans de telles conditions, Alain Amand obtint le deuxième prix ! Une
performance pianistique qui atteste, s’il en était besoin, son niveau
exceptionnellement élevé.
Si l’intention première d’Alain avait d’abord été d’accéder au
troisième cycle après l’obtention de son prix de piano, il changera cependant
d’avis et ne tentera pas le concours d’entrée, par fidélité à son Maître,
Monsieur Raymond Trouard, parti en retraite l’année même où il obtint son prix,
en 1984. Alain lui avait envoyé un petit mot, l’informant « qu’il n’avait
plus envie de préparer le troisième cycle parce-que son professeur n’était plus
là ». Cela dénote une fois de plus le respect et l’attachement fidèle
qu’Alain vouera toute sa vie à ceux qui le formèrent.
Après Jaen, Alain participera à d’autres concours internationaux,
mais sa fonction d’enseignant à Villecresnes depuis 1982, combinée aux exigences
matérielles de la vie quotidienne, monopolisait beaucoup de son temps,
l’empêchant de se consacrer aux journées entières d’étude du piano
indispensables à une bonne préparation. C’est ainsi qu’il sera demi-finaliste
au Concours Busoni à Bolzano en Italie
en 1985 et finaliste au Concours Jose Iturbi à Valencia en Espagne en 1986
avant d’abandonner définitivement les concours internationaux ».
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Il enseigna au Conservatoire de VILLECRESNES (Val de Marne) de 1982 à 1995, ainsi
que dans les classes supérieures du Conservatoire
National de Musique de VALENCIENNES de 1989 à 1995.
(Extraits de « Quintessence, Sous les doigts d’Alain
Amand »)
« Pédagogiquement, il avait choisi la voie de la technique
à-travers le choix de ses œuvres et la façon de travailler en progressions
métronomiques chères au Maître de Paris. Il comparait l’apprentissage du
piano à une œuvre architecturale : une bonne maîtrise nécessite des bases
solides, et donc des fondations. Ces bases une fois acquises, il ne reste qu’à
construire dessus. Il avait la volonté d’amener ses élèves très vite à un haut
niveau et y parvenait dans l’ensemble fort bien.
Ceux-ci faisaient toujours corps derrière lui et le soutenaient en
tout. Ses cours se teintaient d’une certaine couleur affective qui les mettait
dans un état de grande réceptivité. Leurs progrès lui tenaient très à cœur, et,
réciproquement, ceux-ci aspiraient également à lui faire plaisir […].
Si Alain pensait, à ses débuts, se consacrer uniquement à une
carrière de concertiste, dont il possédait toutes les dimensions tant son génie
musical et ses exceptionnelles qualités de virtuose étaient immenses et
reconnues de tous, le temps nécessaire à la poursuite de ses études au
conservatoire et le besoin de gagner financièrement sa vie le firent peu à peu
se tourner vers l’enseignement […].
Sa vocation de pédagogue va s’affirmer au fil des années et il se
passionnera peu à peu pour l’enseignement du piano, témoignant d’une grande
conscience professionnelle.
Il savait stimuler ses élèves et leur communiquer sa ferveur.
Reflet du pianiste, le pédagogue qu’était Alain Amand se montrait extrêmement
exigeant et sans compromis. Il y avait entre lui et ses élèves une obligation
-bien normale- de résultat. Et donc de travail. Mais ce « pacte »
tacite ne reposait pas sur l’autorité. Alain n’exigeait rien par la force, et
n’élevait jamais la voix. Le résultat final devait être le fruit d’une
collaboration totale, décidée, acceptée et pleinement vécue entre le professeur
et son disciple ».
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Alain Amand donna son premier concert à l’âge de vingt ans,
suivi de nombreuses prestations en soliste, en musique de chambre et avec
orchestre, tant à Paris qu’en Province ou à l’étranger (Allemagne, Danemark).
Ses principaux partenaires furent le clarinettiste Jacques
Bertoux, les pianistes Nelly Bozza et
Philippe Keler, la violoncelliste Anne Ducornet, les violonistes Stéphane tran
n’Goc et Sung Sic Yang, et le flûtiste Alain Ménard. Durant les dernières
années de sa vie, il donna de nombreux récitals en soliste, et se produisit
fréquemment en récitals à deux pianos avec Philippe Keler à Paris et dans le
Nord de la France, ainsi qu’avec l’Orchestre Symphonique de Douai.
En 1994 et 1995, il donna à plusieurs reprises à la
Péniche-Opéra à Paris ainsi que dans le Nord, le cycle complet
« Winterreise » (Voyage d’Hiver) de Franz Schubert avec la basse
Bernard Deletré.
Son dernier récital eut lieu à Douai le 12 février 1995. Alain Amand disparaît le 21 novembre 1995.
(Extraits de « Quintessence, Sous les doigts d’Alain
Amand »)
Monsieur Trouard : « Il y a très peu de vraies grandes
personnalités dans une classe. J’en ai eu quelques-unes. Alain en faisait partie. Il possédait une
puissance de travail et de concentration énorme, et une volonté
incommensurable. Il était capable de travailler très longtemps et
intelligemment. Il avait l’étoffe d’un
très grand pianiste : les qualités, les dispositions, la présence et la
maîtrise. Doté d’un équilibre, d’une sensibilité et d’un sens architectural
très aigus, Alain ressentait souvent les qualités d’une œuvre et s’y
investissait à fond.
S’il y a beaucoup de musiciens pianistes brillants, il y a déjà
moins de musiciens pianistes brillants et poètes, encore moins de musiciens
pianistes brillants poètes et philosophes, et encore bien moins de musiciens
pianistes brillants poètes philosophes et artistes. Alain lui, possédait toutes
ces qualités, et était avant tout très musicien et très poète. Il entendait les
belles choses et avait soif de faire de la musique, d’étonner, d’enthousiasmer.
Il avait par-dessus tout un profond respect du public ; et lorsqu’il devait
jouer, il s’y préparait, parce-qu’il voulait que le public ait les mêmes
satisfactions que lui ».
[…]
Toujours dans le même esprit de partage qui lui faisait aimer la
musique pour le plaisir qu’elle
procurait, Alain était un merveilleux partenaire de musique de chambre et appréciait au plus haut point la communion
entre interprètes que ces rencontres musicales procuraient. C’est ainsi qu’il
se produisit au cours de ces années 80 dans de nombreux concerts de musique de
chambre, avec divers instrumentistes, comme la violoncelliste Anne Ducornet, le
violoniste Sung Sic Yang ou le clarinettiste Jacques Bertoux dans le Nord de la
France et en région parisienne. Il enregistra sur France Musique un récital
pour piano et violon avec le violoniste Stéphane Tran n’Goc et se produisit à
plusieurs reprises à la fin des années 80 dans des récitals pour piano et
flûte avec Alain Ménard, à Paris et à
Villecresnes.
[…]
Lorsqu’il entrait en scène, il se passait immédiatement quelque
chose entre lui et son public. Il attirait les regards et captait l’attention instantanément,
par sa seule présence, exerçant une sorte de fascination. Sa réserve et la
sobriété de son maintien et de ses gestes relevaient encore cette classe si
naturelle qui était sienne, ajoutant à son indéniable pouvoir de séduction.
Il était une énergie, une force qui rayonnait et que l’on
retrouvait derrière chaque note, derrière chaque accord, modulée, nuancée,
soupesée mais toujours aussi réelle, dans les pianissimos comme dans les
fortissimos, dans les arpèges comme dans les déchaînements d’accords. La
musique sous ses doigts était vivante, et il l’insufflait à son public avec une
force de persuasion extraordinaire, à la façon d’un télépathe envoyant une
pensée par la seule puissance de son esprit.
Ce qu’il interprétait était si bien lié de la première à la
dernière note que l’attention du public ne pouvait s’échapper une seule seconde
de cette spirale qui l’entraînait aux frontières de l’émotion la plus pure. Une
émotion palpable. Sa musique n’était que caresse et murmure quand les arpèges roulaient
sous ses doigts comme des ruisseaux de perles, ou lorsqu’il attaquait les notes
une à une, les détachant, leur donnant à chacune une impulsion différente, une
vie différente, créant ces nuances si ténues et pourtant si distinctes qu’on
pouvait l’entendre parler avec ses doigts. Il suffisait de se laisser aller à
la magie de l’instant. Il fit ainsi pleurer beaucoup de spectateurs, des femmes
surtout, plus sensibles sans doute au ressenti de l’émotion ainsi communiquée.
Son interprétation tout entière reflétait sa personnalité. Son
exécution se teintait d’une couleur, d’un relief particuliers qui lui étaient
propres. Il communiquait son âme à la moindre partition, de la plus élaborée à
la plus simple, lui donnant cette dimension particulière dont parlent les journalistes. Une âme qui semblait se
fondre dans celle du compositeur dans une osmose parfaite, reflétant à son tour
la personnalité de celui-ci et ex-primant littéralement toute la gamme des
sentiments couchés sur la partition. Cela devenait un duo indissociable, une
seule et même âme, chacun se nourrissant de l’autre, chacun n’existant que par
l’autre dans ce laps de temps habité par la musique. Une musique transcendante
qui, par une curieuse et fascinante alchimie, naissait au plus profond de son
être et s’incarnait en lui sous les yeux d’un public suspendu à ses doigts
jusqu’à la dernière note, jusqu’à ce
qu’il dégage lentement les mains du clavier et se renverse en arrière, les yeux
fermés, la bouche entrouverte, dans un état quasi-extatique. La musique sous
ses doigts devenait un chant, une danse, une émotion. Une histoire. Alain Amand
« racontait » une histoire.
Car il savait dépasser sa virtuosité pianistique pour atteindre
l’expression véritable. C’est ce qui est sans doute le plus significatif de sa
prodigieuse dimension. Il avait l’oreille absolue et faisait fi de toutes les
difficultés techniques qui constituent pour beaucoup l’obstacle ultime à
surmonter. Lui, allait au-delà, dans une sphère que seuls les grands musiciens
ont appréhendée, et donnait à la musique son sens véritable : transmettre
l’émotion, toucher l’âme. C’est alors que l’interprète atteint à la pleine
jouissance de son art et se trouve transporté hors de notre monde sensible.
Adolphe Nourrit, un ténor français contemporain de Chopin, ne
disait-il pas que « la musique doit aller jusqu’au cœur » ? Cela
fut parfaitement réalisé sous les doigts d’Alain Amand. […]
Sa soif de récitals marathoniens trouvait son origine dans
plusieurs causes bien définies.
Tout d’abord, l’immense respect d’Alain Amand pour son public et
ses capacités d’attention, de compréhension et d’appréciation d’une œuvre. Pour
Alain, les spectateurs étaient avant tout dignes de considération, qu’ils
soient très connaisseurs ou néophytes, et l’interprète se devait de leur
apporter les plus grandes satisfactions.
D’où cette volonté de proposer des œuvres d’un abord parfois difficile
demandant un réel effort d’attention. Mais l’interprétation d’Alain Amand était
si époustouflante que le spectateur le plus novice s’en trouvait facilement
captivé.
La deuxième raison était cette passion pour la difficulté dont
avait soif sa si grande intelligence, ce défi permanent qu’Alain Amand se
lançait dans la droite ligne de l’enseignement de son maître, Raymond Trouard.
Parvenu au sommet de son art, il se devait d’élargir au maximum son répertoire
pianistique.
Si celui-ci était vaste et éclectique, Alain aimait tout
particulièrement ce qui était très virtuose, et par conséquent les grands
compositeurs tels que Rachmaninov, Scriabine, Prokofiev et bien sûr Liszt, pour
lequel il avait une véritable prédilection. « Après une lecture de
Dante », l’étude d’exécution transcendante « Mazeppa » ou la
Sonate en si mineur jalonnèrent sa carrière et furent de véritables morceaux d’anthologie.
Il nourrissait également une grande admiration pour Ravel dont il
jouait la toccata de façon prodigieuse, et excellait dans le Choral à
Variations de Dutilleux.
De fait, Alain avait choisi, volontairement ou non, la voie de la
technique à-travers le choix de ses programmes comme, par ailleurs, sur le plan
pédagogique, et cette boulimie d’œuvres particulièrement longues et difficiles
transparaît dans le répertoire de ses concerts en soliste.
La troisième raison, et non la moindre, était d’un ordre tout autre
: il y avait urgence.
A cette époque, et à l’insu de tous ou presque, Alain avait déjà un
pied très ancré dans la maladie. Peut-être lui restait-il de l’espoir, mais
dans ce futur hypothéqué, il aspirait
désormais à se faire plaisir avant tout, en jouant le maximum d’œuvres qu’il
aimait dans ce trop court instant que constitue un récital.
[…]
Les conditions contraignantes d’un studio d’enregistrement
l’avaient toujours rebuté, car elles ôtaient à l’interprétation toute
spontanéité et en cela une certaine part d’authenticité. Bien que très
conscient de sa valeur, il ne cherchait pas à briller, se plaçant avant tout en
serviteur de la musique. Ce qui expliquait que malgré son immense virtuosité,
il n’avait jusqu’alors jamais consenti à enregistrer un disque, et s’y refusera
pratiquement jusqu’à la fin de sa courte vie, répondant à mes propres
sollicitations dans ce sens par :
-
Ceux qui veulent m’entendre n’ont
qu’à venir m’écouter en concert !
Laisser une trace matérielle de son talent n’était pas une
priorité. […]
S’il avait parfaitement conscience de l’incontestable rivalité
entre artistes, Alain, cependant, respectait la concurrence. Celle de ses amis
bien sûr, mais également celle des autres, de tous les autres, quelle que fût leur
véritable dimension artistique. C’est ainsi qu’il ne portait jamais aucun
jugement préalable, même si le concurrent relevait d’un niveau à l’évidence
beaucoup moins élevé que le sien. Cette absence de dédain ou de mépris était
tout à son honneur. Un jour, alors que je me montrais exaspérée par l’intérêt
qu’il s’entêtait à porter aux faits et gestes d’un autre pianiste, il me
rétorqua avec sa fraîcheur désarmante en parlant de la Septième de
Prokofiev :
-
Je ne dis pas qu’il ne pourrait
pas la jouer. Mais alors, qu’il la mette à son programme…
Alain, sincèrement, impatiemment même, ne demandait qu’à voir… et à
entendre ! Mais sans arrière-pensée, ni a priori. Que d’autres pianistes
fassent la démarche de s’engager, comme lui, à aborder de telles œuvres, ne
pouvait que satisfaire le musicien qu’il était.
L’ENFANCE, LA JEUNESSE
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L’ORGANISTE
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LE CONSERVATOIRE NATIONAL SUPERIEUR
DE MUSIQUE DE PARIS
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LES CONCOURS INTERNATIONAUX
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LE PEDAGOGUE
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LE MUSICIEN
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L’HOMME
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(Extraits de « Quintessence, Sous les doigts d’Alain
Amand »)
« Sa voix n’était pas très forte et il parlait relativement
vite. Je remarquai cependant un détail : une particularité dans son élocution
qui lui faisait accentuer de façon exagérée certaines syllabes, surtout en
début de phrase. Il me fut dit par la
suite que cette singularité lui vint progressivement à l’adolescence, et
qu’elle était plus ou moins marquée suivant les personnes en présence
desquelles il se trouvait. Selon que celles-ci lui étaient inconnues ou
l’intimidaient, sa difficulté à s’exprimer était alors plus grande. En d’autres
circonstances au contraire, il avait une élocution parfaitement aisée.
[…]
Alain était ainsi fait, et je m’en rendrais compte par la suite,
qu’il pouvait se montrer merveilleux à certains moments, et faire preuve à
d’autres moments de la plus totale inélégance, et ce d’une façon si naturelle
qu’il en était désarmant.
[…]
Très direct et « nature », et par conséquent pas très
diplomate, Alain donnait toujours son sentiment au premier degré, et ses
réactions étaient le plus souvent spontanées […].
Pour lui, le fond importait plus que la forme, et il disait les
choses telles qu’elles devaient être dites. Il est très probable que ses
manières expéditives et son imperméabilité à toute flatterie lui valurent
certaines antipathies.
[…]
Voyageur infatigable, avide de pénétrer la culture et
l’authenticité des pays qu’il visitait, il voulait tout découvrir et préférait
souvent éviter les sentiers battus pour touristes, par souci, sans doute, de
toucher l’âme des peuples et des paysages rencontrés.
[…]
Ses nombreuses vacances scolaires lui permettaient de visiter
plusieurs pays sur une même année. Sa soif d’évasion était si grande que le
moindre week-end prolongé était également prétexte à partir . […]
Jusqu’à ses dernières forces, et poussé par une volonté hors du commun, Alain s’acharnera à lire, à
disserter, et éprouvera une dernière fois le besoin impérieux de partir.
La France n’était pas en reste. Alain l’avait déjà parcourue en
tous sens et alliait aux plaisirs de la découverte ceux de la table. Grand
épicurien et fin gourmet, il connaissait les restaurants les mieux cotés qu’il
conseillait à ses amis, ou s’en remettait volontiers aux bons soins du guide
Michelin et de ses étoiles…
Alain n’hésitait pas à mettre le prix pour s’asseoir aux meilleures
tables ou goûter à l’ambiance de lieux particuliers et uniques, comme les
paradors espagnols, ces châteaux transformés en hôtels où il avait tenu à passer
ne serait-ce qu’une nuit.
En esthète accompli, il avait l’art de saisir avec discernement la
quintessence de chaque chose avec cette soif inextinguible du beau et de la
perfection.
Quant à ses heures de loisirs quotidiens, il les passait à arpenter
Paris. Ce Paris qu’il aimait tant. Un Paris de tolérance et de liberté où il se
sentait bien. Un Paris de culture, d’événements musicaux, théâtraux et
cinématographiques dont il était toujours à l’affût avec un Pariscope qui ne
quittait pas sa mallette. Un Paris qu’il n’aurait délaissé pour rien au monde.
Il y vivait depuis son entrée au Conservatoire, avait habité plusieurs
quartiers différents de la Capitale, et en particulier Montmartre, juste au
pied de la butte.
Montmartre, le village des artistes et de la Bohème, qu’il quitta
pour un appartement plus spacieux non loin de Beaubourg, face au Forum des
Halles. C’est là –au Gaumont- qu’il étanchait régulièrement sa soif de cinéma.
C’est aussi dans ce quartier, rue Montorgueil, qu’il faisait habituellement ses
courses, choisissant avec un soin extrême chez les meilleurs fromagers, les
fromages qu’il servirait à sa table –n’exigeant pas moins de quatre sortes sur
le plateau… Mais ce raffinement dans ses penchants culinaires ne l’empêchait
pas d’apprécier les choses simples […].
Car tout en Alain n’était que recherche de la perfection et de
l’authenticité, que ce fût dans les sons, les images ou les saveurs, avec cette
soif constante de connaissance et d’élévation de son esprit qui menait
invariablement ses pas dans les bibliothèques, les librairies, les théâtres et
les salles de concert, les halls d’exposition, les musées, et bien sûr les
cinémas, optant toujours pour les
projections en version originale.
Tout convenait à son esprit éclairé, comme à sa candeur d’enfant,
ses goûts très éclectiques l’amenant à regarder des genres très différents.
Mais il était également curieux de films anciens, ou peu médiatisés. Sensible à
la signification et au « message » délivré, Alain allait très souvent
au-delà du film, et ressentait des choses inaccessibles à beaucoup, avec
toujours, cette perception aiguë du sens de la vie, dont il était lui-même une
profonde incarnation.
[…]
Très versé en littérature comme en philosophie –sa culture générale
était immense- il n’en négligeait pas
pour autant de s’intéresser aux événements politiques et culturels de son
temps, lisant quotidiennement avec application le très sérieux journal
« Le Monde » qui, lui non plus, ne quittait jamais sa mallette.
Mais loin d’être un homme austère, Alain aimait rire et faire la
fête. Il avait gardé son âme et sa spontanéité d’enfant et écarquilla des yeux
émerveillés en découvrant
Eurodisney.
- Va à Eurodisney, disait-il avec insistance au petit
Aurélien. Tu vas voir, c’est formidable.
Son intelligence très grande et très vive m’impressionnait
beaucoup. Cependant, ce qui en faisait un être exceptionnel et si attachant,
c’était cette hypersensibilité qu’il avait su si bien préserver, et cette
candeur extrême, qui le rendait vulnérable et fragile.
[…]
Issu d’un milieu ouvrier, il avait certes une grande conscience de
la valeur de l’argent. Le coût de ses études musicales avait lourdement pesé
sur le budget familial, avec son cortège inévitable pour le jeune Alain de
souffrances psychologiques, de
contraintes et de blessures secrètes. Cela n’était pas sans influer sur son
comportement et son état d’esprit actuels. Malgré tout, ses rapports
particuliers à l’argent n’avaient pas pour but de thésauriser à toutes fins,
mais bien de pouvoir profiter des plaisirs d’une vie dont les jours lui étaient
désormais comptés. Des plaisirs abstraits, des plaisirs à vivre et non à
posséder : de bonnes tables, de bons spectacles, de beaux voyages. La vie
d’Alain se conjuguait au verbe « être », et non au verbe « avoir ».
Il ne s’achetait presque jamais rien, si ce n’étaient des livres ou des
disques, et ne renouvelait sa garde-robe qu’avec beaucoup de parcimonie :
le « paraître » non plus ne l’intéressait pas.
[…]
Son visage était étonnamment expressif. Sa maigreur accentuait les
détails morphologiques : un nez assez
long, dont l’arête bien droite et les fines narines se terminaient par une
extrémité plus arrondie dont la légère proéminence ne se remarquait pas
lorsqu’il se tenait de face, mais qui donnait au profil de son visage une
physionomie unique très particulière. Une mâchoire plutôt étroite et très bien profilée avec un menton volontaire
légèrement saillant, des lèvres minces qui dessinaient une bouche parfaite à la
dentition éclatante, des pommettes bien
marquées et des yeux, ni trop grands ni trop petits, d’un bleu extraordinaire,
plutôt clair, qui lui conférait un regard à la fois vif, profond et pénétrant,
entourés de longs cils blonds et surmontés de sourcils épais qui se
rejoignaient presque. Un immense front barré de plusieurs rides d’expression.
Des oreilles plutôt petites et très bien faites. Et des cheveux châtain clair,
autrefois très blonds, et coupés courts
[…]
Oui, une figure étonnamment expressive qui ne restait jamais figée,
et dont l’émaciation extrême rendait le moindre mouvement de ses muscles
perceptible. Lorsqu’il souriait malicieusement, lèvres et mâchoires serrées,
son menton semblait s’allonger démesurément tandis-qu’une lueur allumait son
regard. Un regard qui ne glissait pas sur les choses, mais s’y arrêtait et se
fixait. Un regard auquel on ne pouvait se soustraire, qui capturait le vôtre et
semblait parfois beaucoup s’en amuser.
[…]
Mais il était vrai que je n’avais jamais connu Alain rêveur. Rien
n’échappait à ses sens toujours en
éveil et à sa grande intelligence sans cesse
sur le qui-vive. Aucun détail ne s’effaçait de sa mémoire phénoménale.
Il n’avait pas sur ce plan le charme particulier des grands distraits.
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